La convention de forfait n’est, rappelons-le, qu’une « modalité de calcul de la rémunération » (Par ex. Soc., 10 décembre 1997, pourvoi n° 95-40.008) et non un procédé qui permet à l’employeur de se libérer, par avance, de ses dettes salariales en octroyant un montant global de rémunération mensuelle.
Par arrêt en date du 19 janvier 1999 (Soc., 19 janvier 1999, Bull. V, n° 29) la Cour de cassation a exigé très clairement de l’employeur qu’il détermine par avance et avec exactitude le quantum des heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire.
Rappelons, par ailleurs, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; qu’il résulte de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur (Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-23230, Bull. V, n° 307 ; v. également Soc., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-14807).
La doctrine rappelle que l’examen soigneux, par les juges du fond, de la réunion des conditions légales, conventionnelles et jurisprudentielles de l’existence, de la licéité et du caractère obligatoire d’un contrat de forfait en jours s’impose d’autant plus qu’il libère l’employeur d’un grand nombre d’obligations à l’égard du salarié, rend plus délicat la preuve, par ce dernier, du nombre d’heures réalisées dans l’année et donc des éventuels dépassements du temps de travail contractuel et l’expose à l’accomplissement d’un très grand nombre d’heures « supplémentaires » (E. Dockes, E. Peskine, C. Wolmark, Droit du travail, ed. Dalloz, coll. Hypercours, 2009, n° 337 à 340 p. 281 à 283)
Il s’ensuit que pour être valable, la convention de forfait doit s’accompagner de la mise en place, par l’employeur, de mesures destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours et, en particulier, d’un suivi de la charge de travail du salarié (Pour un exemple récent : Soc., 27 mars 2019, pourvois n° 17-23314 et 17-23375 ; Soc., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-23374 ; Soc., 17 janvier 2018, pourvoi n° 16-15124).
La jurisprudence postérieure à la loi travail : l’arrêt du 16 octobre 2019.
Un salarié soumis à une clause de forfait en jours dans un contrat de travail régi par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants a sollicité la nullité de sa clause de forfait en jours au motif que la convention collective n’était pas suffisamment protectrice de ses droits.
La Cour d’appel a fait droit à sa demande. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur dans la mesure où, à défaut d’avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours, l’employeur ne pouvait se prévaloir des nouvelles dispositions de la convention collective, la loi travail ayant été publiée le 8 aout 2016, quelques mois après la modification de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants. En d’autres termes, puisque la convention collective applicable avait été modifiée avant que la loi travail n’entre en vigueur, il était nécessaire de lui faire signer une nouvelle convention individuelle de forfait.
A défaut de vérifier le contenu de la convention collective applicable et de la convention individuelle de forfait, ainsi que la chronologie de leur entrée en vigueur, les employeurs s’exposent à un risque de voir déclare nulles les clauses de forfait et, en conséquence, à des demandes de rappel de salaire.
Pascal ALIX, Avocat à la Cour