Dans un arrêt en date du 10 novembre 2009 (Cass. Soc., 10 novembre 2009, pourvoi ° 07-45321, à publier au bulletin), la Cour de Cassation a décidé, pour la première fois, que les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique pouvaient être à l’origine d’un harcèlement moral à l’égard d’un salarié.
En d’autres termes, une méthode de management, soit un ensemble de règles applicables à tous les salariés ou aux salariés d’une équipe, peut caractériser un harcèlement moral à l’égard d’un salarié déterminé dès lors que les conditions du harcèlement sont réunies, c’est-à-dire lorsque cette méthode de management se traduit, pour ce salarié, par des agissements répétés ayant pour objet pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dans cette affaire, la Cour d’appel et la Cour de cassation ont retenu que « le directeur de l’établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe ».
Or, ce mode de management se traduisait, pour le salarié ayant porté l’affaire devant les tribunaux, par « sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisé par une communication par l’intermédiaire d’un tableau », ce qui avait entraîné un état dépressif.
Employeurs et DRH sont donc prévenus : des méthodes de management « musclées » sont susceptibles de constituer des actes de harcèlement moral, alors même qu’elles sont dirigées envers l’ensemble des salariés et pas seulement une seule personne.
L’employeur doit être d’autant plus vigilant sur les méthodes de gestion utilisées par les managers, que sa responsabilité peut être engagée alors même, précise la Cour de cassation, qu’il aurait pris des dispositions en vue de faire cesser le harcèlement moral.
Il ne suffit donc pas pour l’employeur de réagir a posteriori. Il faut rappeler en effet que l’employeur est tenu d’une obligation de résultat en matière de prévention de harcèlement moral et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité (Cass. Soc., 21 juin 2006, Bull. V, n° 223, pourvois n° 05-43914 à 05-43919).
L’employeur doit donc prévenir tout acte de harcèlement, y compris désormais à travers les méthodes de management utilisées.
Les conséquences financières peuvent être lourdes, notamment lorsque, comme dans cette affaire, l’inaptitude du salarié ayant eu pour origine les actes de harcèlement moral, le licenciement pour inaptitude est déclaré nul.
Le risque auquel s’exposent les entreprises est encore augmenté par le fait que le salarié qui s’estime victime de harcèlement moral n’a pas à prouver l’intention de nuire de l’auteur du harcèlement. La cour de cassation a effet clairement affirmé, dans un autre arrêt publié du 10 novembre 2009, (pourvoi n° 08-41497), que le harcèlement moral pouvait être constitué indépendamment de l’intention de son auteur.
Pascal ALIX
Avocat à la Cour