I. – L’arrêt STTH de Divonne du 7 décembre 2011
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait en jours, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile.
C’est le principe – la formule utilisée par la Cour de cassation étant calquée sur celle utilisée en cas de litige sur l’existence ou le nombre des heures de travail accomplies par le salarié – qui a été affirmé par la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 7 décembre 2010 (Cass. Soc., 7 décembre 2010, pourvoi n° 09-42626, à publier au bulletin) avant d’en déduire « que le seul défaut de contreseing par le supérieur hiérarchique du document auto-déclaratif prévu par l’article 33-7 de la convention collective nationale des casinos ne saurait interdire au salarié de réclamer le paiement de jours qu’il estime avoir travaillés au-delà de la durée annuelle prévue par la convention de forfait en jours ».
Le salarié avait été engagé, en l’espèce, en qualité de directeur de golf par la société Touristique thermale et hôtelière de Divonne-les-Bains (STTH de Divonne). La durée du travail ne pouvant être déterminée à l’avance du fait de la nature de ses fonctions et des responsabilités qu’il devait exercer, une convention de forfait annuel en jours avait été conclue entre les parties.
Compte tenu du contexte dans lequel il travaillait – le directeur nouvellement embauché l’ayant été pour « remettre en ordre » la gestion du golf – il a été amené à fournir un travail très important. Estimant avoir accompli des jours de travail au-delà de la durée prévue par la convention de forfait en jours qui lui était applicable, il a, après de vaines réclamations, saisi la juridiction prud’homale d’une demande de rappel de salaires.
Par jugement du 31 mai 2007, le conseil de prud’hommes d’Oyonnax l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.
Sur appel interjeté par le salarié à l’encontre de cette décision, la cour d’appel de Lyon a, par arrêt du 24 avril 2009, infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamné la société STTH de Divonne à payer au salarié, outre les intérêts au taux légal, la somme de 25.770 € à titre de rappel de salaire, celle de 2.577 au titre des congés payés y afférents, ainsi que les sommes de 3.610,55 € au titre des jours de mise à pied, 361,05 € au titre des congés payés y afférents, 14.189,79 € au titre de l’indemnité de préavis, 1.418,97 € au titre des congés payés y afférents, 4.007,29 € à titre d’indemnité conventionnelles de licenciement, 45.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles.
C’est la décision qui a été attaqué par l’employeur dans le cadre du pourvoi qui a été rejeté par les motifs suivants :
« …le seul défaut de contreseing par le supérieur hiérarchique du document auto-déclaratif prévu par l’article 33-7 de la convention collective nationale des casinos ne saurait interdire au salarié de réclamer le paiement de jours qu’il estime avoir travaillés au-delà de la durée annuelle prévue par la convention de forfait en jours ».
Cette solution est légalement justifiée.
II. – L’existence d’une convention de forfait en jours n’interdit pas au salarié de prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies en sus du forfait convenu
La convention de forfait n’est qu’une « modalité de calcul de la rémunération » (Soc., 10 décembre 1997, pourvoi n° 95-40.008) et non un procédé qui permettrait à l’employeur de se libérer, par avance, de l’ensemble de ses dettes salariales à l’égard d’un cadre, même autonome, en octroyant un montant global de rémunération mensuelle.
Il s’ensuit que l’existence d’une convention de forfait n’interdit pas au salarié de prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies en sus du forfait convenu (Par ex., Soc., 17 janvier 1996, pourvoi n° 92-42.746 ), le salarié accomplissant des heures supplémentaires en sus du forfait convenu ayant, au demeurant, droit aux repos compensateurs au titre des heures effectuées (Par ex., Soc., 2 février 1994, Bull. V, n° 42).
Il est acquis qu’au-delà des limites du forfait, les règles générales relatives à la preuve de l’accomplissement du temps de travail trouvent à nouveau à s’appliquer (cf. jurisprudence précitée).
Aussi n’y a-t-il pas lieu de distinguer l’accomplissement de jours supplémentaires de l’accomplissement d’heures supplémentaires.
Les dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qui vise, certes, les litiges relatifs à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées trouvent donc à s’appliquer à l’hypothèse de l’accomplissement de jours de travail au-delà des limites du forfait en base journalière convenu entre les parties (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-41377, Bull. V, n° 200).
III. – L’obligation, pour l’employeur, de contrôler le nombre de jours de travail et de fournir au juge les éléments de nature à en justifier
Aucun employeur ne peut s’appuyer sur le non-respect de modalités légales, réglementaires ou conventionnelles de contrôle du temps de travail, dont il est nécessairement responsable, pour s’exonérer de ses propres obligations en termes de preuve du nombre des jours et des heures travaillés par les salariés.
Rappelons que l’employeur a, dans tous les cas, l’obligation de contrôler la durée effective du travail des salariés (horaires datés et signés par le chef d’établissement, registres mis à la disposition de l’inspecteur du travail, décomptes, tableaux, relevés du nombre d’heures de travail effectuées, édition informatique du dispositif de contrôle du temps de travail en cas d’horaires individualisés, état récapitulatif du nombre de journées ou demi-journées travaillées pour chaque cadre autonome au forfait, etc.).
Aussi l’employeur est-il tenu, dans le cadre d’un litige portant sur l’accomplissement d’heures ou de jours supplémentaires, de fournir des documents propres à établir l’accomplissement des heures ou jours de travail par le salarié et, en toute hypothèse, des documents relatifs au contrôle des jours et heures effectués, obligation dont le salarié n’est assurément pas débiteur.
En toute hypothèse, le non-respect de modalités légales, réglementaires ou conventionnelles de contrôle du temps de travail – quel qu’en soit le responsable – ne prive aucunement le salarié de son droit de prouver par tout moyen l’accomplissement de jours de travail au-delà du forfait annuel en jours. Rappelons que, de manière générale, le salarié prouve la réalité des heures supplémentaires qu’il revendique par des fiches de temps élaborées par ses soins établies à la demande de son employeur (Soc, 19 janvier 1999, Bull. V n° 29).
Aucun contreseing, visa ou paraphe d’un supérieur hiérarchique n’est nécessaire lorsqu’il s’agit de prouver l’accomplissement d’heures de travail effectif.
Pascal ALIX
Avocat à la Cour