Décision qui a du faire grincer des dents dans le milieu des cabinets d’audit : le 14 octobre 2008, la Cour de cassation (Soc., 14 octobre 2008, pourvoi n° 07-40523, à publier au Bulletin des arrêt de la Cour de cassation) a décidé de censurer une décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait débouté une consultante de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en retenant “…que […] la salariée […] ne pouvait refuser la mission au prétexte que l’employeur ne l’avait pas renseignée sur l’avenir prévisible du bureau de Marseille, que le déplacement prévu était limité à trois mois à Paris dans une ville située à quelques heures de train ou d’avion de Marseille et que la mauvaise foi de l’employeur n’était pas établie”.
La Cour de cassation, accueillant le pourvoi de la salariée, a considéré que la Cour d’appel n’avait pas justifié légalement sa décision, dans la mesure où elle n’avait pas recherché “si, […] la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché”.
Il faut savoir que dans cette affaire, l’exécution de la mission supposait une résidence temporaire (pendant 3 mois) à Paris et que la consultante en question, dont le domicile se trouvait à Marseille, travaillait à 4/5 dans le cadre d’un congé parental, ce qui signifie, par hypothèse, qu’elle avait des enfants en bas âge.
De sorte que la mission proposée aurait nécessairement eu un effet sensible sur son “droit à une vie personnelle et familiale”.
La notion de “droit à une vie personnelle et familiale”, nouvelle dans la jurisprudence de la Cour de cassation semble assigner à la Cour de cassation un nouveau rôle : en sus d’être gardienne des libertés, la Cour de cassation devient gardienne du droit à la vie “non-professionnelle” (réduite, pour certains, à la portion congrue…), rôle qu’elle avait déjà joué en défendant le droit à l’injoignabilité en cas de travail à distance et à la déconnection des téléphones portables pendant les pauses.
Les consultants des cabinets d’audit revendiquent et obtiennent la garantie d’un droit à une vie non professionnelle… C’est la fin d’une époque !
Pascal ALIX
Avocat à la Cour